Marc Pichaud, Chargé de mission des étangs au Parc Naturel Régional Périgord Limousin (PNRPL)
Le Limousin, pays des Étangs : quels enjeux écologiques et climatiques cela représente-t-il ?
Le territoire du Périgord-Limousin est une zone très spécifique en tête de divers bassins versants (Charente, Dordogne et Vienne). Ici, les plans d’eau font partie du territoire depuis plusieurs siècles. Ils servaient autrefois aux activités utilisant la force motrice de l’eau (moulin, forge) ou à la pisciculture. Cependant, depuis la moitié du XXe siècle, le nombre de plans d’eau a énormément augmenté, passant d’environ 300 à 4 500 à l’échelle du PNR. Beaucoup ont été construits de façon anarchique dans les années 1970 puis ont été abandonnés pour diverses raisons : peu productifs, règlementation progressivement contraignante, exode rurale, perte de connaissances etc. Il n’y a plus personne pour les vidanger, les entretenir, et cela engendre des accumulations délétères (vase, sédiments, algues, bactéries etc.). L’eau se retrouve piégée dans les plans d’eau, sa qualité est dégradée (eutrophisation, concentration en matière organique), et sa température monte parfois jusqu’à 26°C ce qui a un fort impact sur les espèces inféodées. Les truites, par exemple, meurent au-delà 21°C. Nous avons donc un enjeu quantitatif et qualitatif sur la ressource en eau. La reconquête des sources sur le territoire est un défi important qui doit se faire en restaurant les zones humides, les cours d’eau ou en supprimant des plans d’eau.
Quels sont les objectifs du projet soutenu par Nature 2050 sur la commune de Bussière-Galant ?
Le projet a débuté en 2013 lorsqu’après une crue hivernale, une brèche s’est ouverte dans la digue en mauvais état d’un propriétaire privé. Le plan d’eau amont s’est complètement vidé et plusieurs acteurs locaux ont été sollicités. Le PNR est entré dans le projet par le biais de l’Agence de l’Eau Adour Garonne qui met en place des aides financières à l’effacement de ces étangs. C’est dans le cadre du partenariat entre l’Agence de l’Eau et CDC Biodiversité sur l’accompagnement des propriétaires à la restauration des zones humides et la suppression de plans d’eau sur le territoire, que nous avons entamé notre collaboration avec Nature 2050.
Sur ce projet de 7 hectares, l’ambition était de reconstituer une zone humide fonctionnelle pour l’épuration de l’eau, sa régulation, l’accueil de la biodiversité et les usages économiques liés à la zone (pâturage extensif). Nous avons donc mis nos forces en commun et, une fois le propriétaire d’accord, nous avons supprimer le plan d’eau pour remettre le cours d’eau dans son lit naturel, puis recréer un point d’abreuvement pour les bêtes et des points de franchissement. L’intégration au programme Nature 2050 a également permis de sécuriser le terrain sur le long terme et de créer une réelle dynamique d’accompagnement des propriétaires sur ce projet. Une convention a été signée pour garantir continuité et suivi, et une notice de gestion du site a été rédigée.
Quels sont les bénéfices du projet pour la biodiversité, le territoire et le propriétaire ?
Sur le site, nous retrouvons un fonctionnement normal de la zone humide, avec un meilleur soutien en étiage, une évaporation diminuée et une meilleure qualité épuratoire. En termes de biodiversité nous constatons des faits très intéressants. Sur la zone de terrassement, la végétation pionnière réapparait et la biodiversité animale se développe. On observe des odonates, des batraciens et même des espèces protégées (sonneur à ventre jaune). Au niveau de la rivière, certains invertébrés aquatiques sont réapparus et le potentiel de reproduction a été restauré. Du point de vue de la méthodologie, le travail en partenariat avec le programme Nature 2050 a permis à l’exploitant de mieux sécuriser son terrain et son cours d’eau au niveau sanitaire. Ce travail a abouti à la signature d’une Obligation Réelle Environnementale* (ORE) sur le terrain entre la Commune de Bussière Galant, CDC Biodiversité et le PNR.