3 questions à… Jean-Pierre GUÉRET
Marc Pichaud Chargé de mission des étangs au Parc Naturel Régional Périgord Limousin (PNRPL)

Jean-Pierre Guéret, conservateur pour la Ligue de la Protection des Oiseaux de la Réserve Naturelle Nationale de la Baie de l’Aiguillon

Quels sont les enjeux écologiques et climatiques de ce territoire ?

La Baie de l’Aiguillon est un ensemble de 5 000 hectares de vasières et de présalés positionnés en aval du Marais poitevin, entre la Vendée et la Charente-Maritime. Historiquement, la zone est connue pour l’accueil des oiseaux migrateurs et hivernants. La baie comptabilise en moyenne 98 000 oiseaux de passage chaque année, qui viennent se nourrir sur les vasières. Le site fait désormais face à diverses menaces, liées notamment aux effets du changement climatique sur les zones côtières (montée des eaux, élévation des températures).

L’introduction des huitres japonaises dans les années 1960, qui ont aujourd’hui envahi la baie, a également largement impacté les vasières. Bien que la culture de cette espèce ait été stoppée, un grand nombre de concessions ostréicoles ont été abandonnées dans la baie, ce qui engendre une prolifération des gisements d’huitres sauvages. Ces amas d’huîtres (qu’on appelle crassâts) contribuent à la sédimentation de la baie et prennent progressivement la place de la vasière.

Comment avez-vous pris en compte ces enjeux sur votre site et quels travaux ont été réalisés, soutenus par le programme Nature 2050 ?

L’enjeu auquel nous faisons face aujourd’hui est de protéger nos vasières en enlevant ces crassâts d’huîtres, pour restaurer la vase et le milieu naturel d’origine. Dans ce projet, nous cherchons à restaurer le fonctionnement naturel de cet écosystème côtier et garantir la production de ressources alimentaires indispensables à l’avifaune migratrice. Le soutien du programme Nature 2050 s’est avéré décisif car cela nous a permis de compléter 50% de financements manquants aux prémices du projet.

Les travaux réalisés consistent à creuser et enlever les crassâts d’huitres sauvages et anciennes structures conchylicoles (bouchots et tables à huîtres). En raison du caractère singulier et expérimental de l’opération (peu de références techniques, accès difficile, marées, trafic maritime), nous avons conduit durant 3 ans une phase préalable d’analyse et d’expérimentation. La première phase de travaux a ensuite eu lieu de septembre 2019 à février 2020.

À la suite des travaux menés sur la baie, pouvez-vous d’ores et déjà faire des constatations, et quelles sont les prochaines étapes du projet ?

À ce jour, 3,10 hectares ont été retirés sur les 29,5 hectares d’intervention du programme Nature 2050. Pour l’instant nous ne constatons pas de recolonisation des huitres. Des espèces avicoles viennent à nouveau s’alimenter et les éleveurs locaux semblent satisfaits du projet. Nous attendons désormais la phase de reproduction des huitres qui a lieu en période estivale. S’il n’y a toujours pas de recolonisation à la rentrée et durant les mois qui suivent, ce serait très positif. Cela permettrait de valider la technique expérimentale et de la pousser plus largement. Nous espérons que les collectivités ou même l’état pourront alors s’emparer de cette solution et la diffuser à plus grande échelle comme un moyen efficace de restauration écologique d’écosystèmes côtiers ! Côté calendrier, nous avons pris un peu de retard mais les travaux vont reprendre dès septembre 2020. Les étapes suivantes concerneront une analyse de la faune et une étude de l’évolution topographique.